Je me souviens de notre première rencontre. C’était lors d’un après-midi doux de printemps. Le soleil berçait doucement le ciel de ses rayons chaleureux et la ville de Paris tout entière s’illuminait sous cette pluie de lumière accueillante. Derrière la vitre d’une boutique, rêveuse, je regardais ce temps magnifique qui semblait promettre une merveilleuse journée…  je ne doutais pas une seule seconde à quel point elle le serait tellement plus.
Car, alors que je me laissais distraire par le spectacle étonnant que pouvait offrir mère nature dans cet univers de goudron, qui n’avait laissé comme survivants que quelques arbres, un ange, toi, apparut juste devant le fonds de commerce. Tu venais à peine d’effectuer quelques pas sur le trottoir que tu t’arrêtas net en braquant tes yeux d’océan sauvage sur moi.

Stupéfaite, ton regard impudique me ramena brutalement sur terre dans la confusion la plus totale. Je n’arrivais pas à croire qu’un bel et magnifique inconnu s’était brutalement arrêté rien que pour me scruter, comme si j’étais la chose la plus précieuse sur cette planète. Moi qui, d’habitude, on regardait à peine !

Et soudain, sans prévenir, tu t’élanças dans le magasin avec le sourire aux lèvres. Tu accourus vers la patronne puis tu tentas de la convaincre, de vive voix, de me laisser partir avec toi. Sans la laisser répondre, tu déposas sur le comptoir une somme d’argent généreuse puis tu te précipitas vers moi pour me prendre sous le bras. Je ne savais comment réagir ni même quoi penser de cette rencontre si rapide, si spontanée ! Mais, malgré moi, séduite par ton culot hors du commun, je me pris au jeu et nous partîmes du magasin.

Tu me parlas de toi, de ta vie, de ce que tu aimais beaucoup, de ce que tu aimais moins, du métier que t’exerçais, sur les études que tu avais menées pour le décrocher, sur l’importance que tu apportais à celles de mon genre et de tout plein d’autres choses que je pourrais aujourd’hui répéter sans changer le moindre mot, tellement que tes phrases étaient si captivantes, si vivantes.

Au bout de cette marche parisienne enrichie de tes conversations grandioses, tu m’emmenas chez toi, me fit découvrir l’appartement où tu vivais confortablement. Tu m’expliquas que cela t’avait pris de temps pour l’avoir mais que, tant bien que mal, tu y étais enfin parvenu. Puis, toujours de manière spontanée, tu m’avais montré ta chambre, ton lit, avant de glisser une main à l’endroit qui voulait insinuer tellement de choses… mais la suite fut beaucoup moins subtile.

Je n’oublierai jamais notre première fois aussi imprévisible que merveilleux. Tes doigts expérimentés me parcourant tout le long… la passion que tu mettais pour me prendre de manière si délicate, si sensuelle… la façon dont tu étais parvenue pour m’électriser dans tout mon être… l’extase que j’avais alors ressenti à ce moment-là aurait rendu jalouse plus d’une.

Après cela, je suis resté définitivement chez toi et les mois s’écoulèrent rapidement, laissant place à des scènes qui se ressemblaient peut-être mais qui me remplissaient de joie. Tu partais chaque matin au boulot, le cœur déchiré à l’idée de te séparer de moi… avant de me retrouver le soir tout excité, absorbé par tout ce que j’étais. Oui… ce fut là les plus beaux jours de ma vie.

Mais, petit à petit, le quotidien entra en jeu et, toujours petit à petit, les choses changèrent, se dégradèrent, avant de s’empirer considérablement. Au début, tu me regardais avec envie et désir… à la fin, tu me dévisageais comme si j’étais la simple cuvette de tes toilettes… mais je suis certaine que tu lui accordais beaucoup plus d’intérêts. Tu le ressentais au moins que je me sentais complètement perdue, tellement malheureuse ? Tu pouvais le savoir au moins ? Je n’en étais pas sûre…  puis, comme pour achever le peu d’espoir que j’avais encore un peu pour nous deux, tu débarquas un jour avec elle.

Elle. Plus grande, plus belle, plus attirant, plus tout. Tu n’avais des yeux que pour elle. Tu lui avais sorti les mêmes mots, les mêmes gestes que tu avais eus pour moi. Je n'arrivais pas y croire. Puis, en ne faisant même pas attention à ma présence, tu avais commençais à la tripoter par ci et par là… juste devant moi ! Mais, alors que tu étais sur le point d’entamer une partie de folie avec cette chose insignifiante, tu me remarquas enfin et, sans aménagement, tu me jetas dehors comme une merde.

... tu sais que cela fait une semaine maintenant que je suis là, en bas de ton immeuble ? À t’attendre ? À me dire que tu vas te dire qu’elle ne peut être qu’une erreur ? Que celle qui doit partager ta vie c’est pas elle mais moi ? Presque morte de l’intérieur, une petite voix au fond de moi me souffle que tu ne reviendras pas. Qu’entre nous c’est définitivement fini. Qu’il serait mieux de t’oublier. Mais, pour le moment, je n’y arrive pas et je ressasse en boucle ces souvenirs qui ressemblent à des rêves lointains.

Le seul petit sourire qui me vient parfois aux lèvres est dans les moments où je pense qu’un jour cette connasse de Wii connaitra le même sort que moi, ta Gamecube, qui, malgré tout ce que tu lui as fais, t’attends encore, dehors, en bas de chez toi.