Dimanche 17 octobre 10

-    Veuillez attendre sur ce banc !

C’était la seule phrase qu’on lui avait prononcée depuis son « arrivée ». Cela faisait pourtant des heures que le vieil homme patientait, assis sur un morceau de cumulus un peu plus élevé que le reste du coton blanc, et qu’il contemplait, abasourdi, tout en se caressant la barbe, la situation fantastique et chaotique qui se déroulait sous ses yeux.

Il venait de mourir et voilà qu’il se retrouvait désormais dans un Paradis qui ressemblait tristement à  un centre administratif, sauf que les arrivants étaient accueillis non par des fonctionnaires dotés d’un cafardeux costume mais par des bébés anges ailés complètement nus. Ils étaient cependant tout aussi désagréables que sur Terre.

Devant lui, un monde fou s’agitait dans la confusion la plus totale. Les anges avaient beau disperser l’immense foule, confuse de ne pas savoir où elle se trouvait, en leur demandant de se diriger vers tel ou tel nuage pour qu’on vienne s’occuper d’eux, des centaines de personnes apparaissaient à chaque minute.

-    Foutu attentat ! grogna l’un des nourrissons. Comme si on n’avait pas assez de boulot comme ça ! rajouta-t-il en se précipitant vers un trentenaire. Monsieur ! Monsieur ! Vous allez vers le nuage B27 ! Vous devez rejoindre celui du S14 qui se trouve à votre gauche ! Non ! Pas celui-là ! Votre autre gauche Monsieur ! Monsieur ! Raaah !

Le vieillard se demanda pendant encore combien de temps il allait rester là tout en poussant un soupir. Soudain, une jeune femme s’approcha de lui.

-    Excusez-moi,
demanda-t-elle, puis-je m’asseoir ?
-    Bien sûr, mademoiselle ! répondit-il, ravi qu’une personne, séduisante de plus, lui porta un peu de compagnie.

Elle se mit à côté de lui. Elle poussa elle aussi un soupir mais de soulagement.

-    Pfffiu ! J’en pouvais plus ! Ça fait une éternité que j’attends debout dans cet enfer ! Et vous ?

-    Si j’ai encore la notion terrestre du temps, réfléchit le vieillard tout en continuant de caresser ses poils blancs du menton, ça doit bien faire 7 heures.
-    7 heures ! répéta-t-elle en ouvrant ses grands yeux verts. Mais comment vous faîtes pour rester aussi serein ?!?
-    Bah… énervé ou pas, ça ne va pas faire avancer plus rapidement la situation.

Un petit silence s’installa entre les deux mais il fut très vite brisé par la jeune femme.

-    Heu... dit-elle, gênée, si je puis ne pas être indiscrète... vous êtes là à cause de quoi ?
-    D’une crise cardiaque. Vous savez, à mon âge, ça ne pardonne pas... et vous ?
-    Accident de voiture. Je voulais rejoindre mon bureau au plus vite et, dans une rue étroite, je n’ai pas eu le temps d’éviter un camion qui venait d’en face…

Une larme coula sans prévenir sur l’une de ses joues. Le vieil homme l’essuya d’un revers de manche et tenta de la réconforter du mieux qu’il pouvait.

-    Allons... allons... mademoiselle. Reprenez-vous...

Elle esquissa un sourire.

-    Merci, vous êtes gentil.

Alors qu’il allait rajouter quelque chose, un des bébés anges se dirigea vers lui avec carton dans les mains.

-    Monsieur Vantegem ?
-    Ha ! Enfin ! s’écria l’homme âgé.
-    J’ai lu votre dossier et il semblerait qu’il y a comme un problème...
-    Un problème ? demanda-t-il, inquiet. Comment ça ?
-    Vous n’êtes officiellement pas encore mort. Nous allons devoir vous faire encore attendre car vous pouvez d’un moment à un autre retourner en bas.
-    Au contraire c’est merveilleux ! s’exclama la jeune femme. Ça veut dire qu’il a encore une chance de vivre à nouveau !
-    Si vous le dîtes... répondit l’ange, insensible. Bon... j’ai encore à faire...

Puis il s’éloigna.

-    Mais quel con ! jura-t-elle. Il vous annonce un problème alors que c’est en réalité une bonne nouvelle !
-    Ça m’embête... lança le vieillard.
-    Pourquoi ?! s’étonna-t-elle en le fixant de ses yeux émeraude.
-    Parce que moi j’ai 77 ans et je vais peut-être revivre alors que vous, qui êtes si jeune, vous... vous...

La demoiselle lui prit alors sa main qu’il portait sans cesse à sa barbe.

-    Allons.... allons... monsieur Vantegem. Reprenez-vous...

Ce fut à son tour de sourire.

Ils se regardèrent pendant quelques secondes. La jeune femme retira sa main puis découvrit quelque chose chez celle du vieil homme.

-    Oh !
poussa-t-elle, surprise. Regardez vos doigts ! Ils disparaissent !

Il mit sa main devant lui et remarqua qu’il pouvait voir le visage de son interlocutrice au travers. Très vite, tout son corps devint transparent.

-    Au plaisir de vous avoir connu, monsieur Vantegem ! lança-t-elle joyeuse. Bon retour chez vous !

Et la jeune demoiselle se retrouva seule sur le banc.

Il entendit tout d’abord un simple boum. Puis un deuxième, un troisième, et tout plein d’autres. Il ouvrit doucement les yeux dans une grande salle blanche. Une femme, ridée, lui serrait la main. C’était sa femme. Elle ne put s’empêcher de crier et de pleurer de joie en entendant son mari qu’elle croyait mort prononce son prénom.

-    Germaine ?
murmura-t-il.
-    Ou... oui ?
-    J’espère qu’on vivra le plus longtemps possible.
-    Je l’espère aussi, Hector, je l’espère aussi...


Elle se pencha et se blottit contre son cœur, tout aussi heureuse que lui.

Lundi 27 septembre 10

Cela faisait un moment que Laure subissait son célibat. Elle avait bien essayé de se remettre en couple en faisant des rencontres mais elle fut à chaque fois déçue. Alors qu'elle commençait à désespérer, elle parla de son problème sentimental à son amie Agathe qui, étonnée, lui lança:

- Comment ? Tu n'as pas encore été au magasin d'hommes ?

Laure leva un sourcil.

- Le magasin d'hommes ? Qu'est-ce que c'est que ça ?

- C'est un magasin comme un autre sauf qu'au lieu d'acheter des vêtements tu achète des hommes. Je croyais que t'étais au courant de son existence ! Au début, ça faisait polémique puis finalement l'idée a plu à beaucoup de femmes. Comme un certain nombre d'hommes d'ailleurs... il y en a maintenant quatre d'ouvert dans le pays !

- Incroyable...


Agathe sortit un bout de papier et y écrivit quelque chose dessus.

- Tiens ! dit-elle. Je t'ai mis l'adresse du magasin le plus proche. Il est pas si loin de chez toi... va y faire un tour à l'occasion ! lança-t-elle en faisant un clin d'œil.

- D'accord. Merci !

Quelques jours plus tard, elle décida enfin de s'y rendre. Elle quitta son appartement et, en quelques stations de métro seulement, elle se retrouva au lieu que lui avait indiqué Agathe. Elle aperçut une foule devant un grand magasin bleu. Sur l'enseigne, il était marqué en rose: Hommes - Prêts À Aimer. Amusée par ce qu'elle venait de lire, elle se fraya un chemin puis rentra dedans.

Une musique d'ambiance sensuelle, presque sexuelle, lui parvint aux oreilles. Elle s'avança doucement et aperçut des hommes terriblement beaux, disposés ici et là sur des plateformes plus élevées, en caleçon ou en slip. Ils avaient tous un sourire d'enfer et elle sentit soudain l'envie de leur arracher le peu qui leur restait. Au dessus d'elle, il y avait plusieurs pancartes correspondant aux critères qu'on pouvait retrouver dans tel ou tel rayon: HOMMES MUSCLÉS POILUS - HOMMES COSTAUDS GRANDE TAILLE - HOMMES SACHANT CUISINER - HOMMES MUSICIENS etc. Devant tant de choix, elle se sentit un peu perdue . Soudain, une femme, à la tenue impeccable, surgit devant elle.

- Bonjouuur chère cliente ! Puis-je vous serviiir en quelque chose ?!

- Bon... bonjour, dit alors une Laure toute timide. Je... heu...

- C'est votre première foiiis et vous ne savez pas quoi choisiiir c'est ça ? demanda la vendeuse qui avait l'air habituée aux nouvelles.

- Ou... oui.

- Je vais vous faire la visiiite ! Suiiivez-moi !

Elles s'avancèrent toutes les deux dans les allées, la commerçante la précédent. Elles s'arrêtèrent devant un homme blanc de taille normal mais dont la disposition corporelle promettait, le contenu de son sous-vêtement aussi.

- Alors vous avez à ma gauche Jean, 25 ans. Il aiiime le sport, le voyage et le... enfin vous savez ce que je veux diiire. Il est exceptionneeel car il a été trèèès peu utilisé. Vous pouvez tout savoir de luiii en lisant la fiche située de ce cô... excusez-moi.


Elle se précipita vers une autre femme qui était en train de toucher les jambes d'un homme placé dans le même rayon.

- Madame, on ne touche pas s'iiil-vous-plait ! Seulement avec les yeux, merciii !

Elle revint auprès de la cliente.

- Où en étaiiit-je ? Ha oui ! Vous avez un petit papier avec toutes les informations le caractérisant juste ici. Je vous laisse regarder ?

Le sang monta à la tête de Laure.

- Heu... en fait...


- Il ne vous intéresse pas ? Ne vous inquiiietez pas ! Nous en avons pour touuus les goûts et pour touuutes les couleurs ! Nous avons même une nouvelle arriiivée venant fraîchement de l'Inde ! Allez, on va en voir un autre !

Elles firent quelques pas puis tournèrent à droite. Elles se retrouvèrent devant un grand noir très musclé et imberbe. En les voyant, il leur fit un clin d'œil.

- Melvyyyn, 28 ans. Il est un peu plus âgé mais autant dyyynamique que le premier siii ce n'est plus. Voici la fiche. Alors ?


Laure parcouru le papier sans grande conviction.

- Bah...

- Toujours pas ? Ce n'est pas graaave ! On passe au suiiivant !


Et plus la vendeuse lui proposait d'hommes et plus Laure se sentait de plus en plus mal à l'aise. Elle trouvait le concept de vendre des hommes comme des objets plus que malsain et ne voulait plus qu'une seule chose: sortir. Au bout du quinzième, elle craqua:

- Rien... rien ne m'intéresse. Je vais y aller. Merci d'avoir essayé...

- Oh... poussa-t-elle presque triste. Je voiiis que vous êtes une cliiiente difficiiile !


Elle lui tendit une carte avec son nom et son numéro de téléphone professionnel dessus !

- Contactez-moi quand l'enviiie vous reprendra de reveniiir ! À bientôt !

Et elle partit vers une autre cliente qui semblait hésiter entre deux modèles. Laure, quant à elle, courut presque vers la porte de sortie. Une fois enfin à l'air libre, elle s'écarta à une bonne dizaine de mètres du magasin puis s'assit sur le trottoir en soupirant.

Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait trouver quelqu'un. Les larmes lui montèrent aux yeux puis coulèrent sur ses joues.

- Quelque chose ne va pas, mademoiselle ? demanda une voix.

Elle leva doucement la tête. Un jeune homme ordinaire le regardait, inquiet. Elle ne sut pas quoi répondre.

- Vous ne trouvez pas qu'il fait un peu froid ? demanda-t-il en reprenant la parole. Vous voulez venir boire un p'tit quelque chose avec moi ? Vous me raconterez vos chagrins comme ça !

Abasourdie par tant de gentillesse de la part d'un inconnu, elle acquiesça de la tête. Il l'aida alors à se révéler et, côte à côte, se dirigea vers un café. Il n'était peut-être pas grand et musclé mais il avait un beau regard bleu et un sourire à croquer. Elle se dit alors que c'était peut-être le bon. Elle réalisa que l'amour n'était pas à acheter mais à vivre.

Jeudi 9 septembre 10

Dans la nuit, en dessous d'un réverbère, une femme au parfum sucré attendait. Son corps lui donnait, au premier coup d'œil, l'apparence d'un oisillon fragile que tout pouvait le mettre en danger. Mais une fois qu'on croisait son regard, on comprenait très vite que le petit volatile n'était qu'un déguisement et que, derrière, se cachait un redoutable tigre. C'est pour ce paradoxe que l'on appelait l'oiseau-tigre.

Près de la seule source de lumière disponible des environs, la femme-animale guettait l'arrivée d'un homme. Celui-ci lui avait donné rendez-vous dans ce lieu éloigné de la ville pour éviter la curiosité de certains piétons. C'est du moins ce qu'elle avait lu dans la lettre qu'elle avait reçu deux jours plus tôt. Elle regarda sa montre: il était presque une heure du matin.

Elle entendit soudain un moteur puis aperçut très vite après deux phares s'approcher. La voiture, dont elle ne distingua ni le modèle ni la couleur, s'arrêta devant elle. La porte d'arrière s'ouvrit et quelqu'un en sortit. Un visage apparut sous la lumière.

Elle se retrouva, à sa plus grande surprise, face à un jeune homme dont sa beauté était telle qu'elle en était effrayante. Ses mains dans les poches, il lui lança un sourire particulièrement innocent.

- Belle nuit, n'est-ce pas ?

Étonné par la voix presque enfantine de son interlocuteur, elle eut des doutes et se demanda s'il était réellement celui qui lui avait écrit.

- Vous... vous êtes monsieur Cooger ? demanda-elle prudemment.

- Aussi vrai que vous êtes madames Turner.

- Oh... excusez-moi, dit-elle. Mais vu l'importance de l'affaire, je m'attendais à quelqu'un de plus... expérimenté.

- Ne me sous-estimez pas madame Turner
, répliqua-t-il froidement tout en conservant son sourire enfantin. Je suis l'homme de la situation. Vous avez l'argent ?

La patte de l'oiseau-tigre, un peu tremblante, glissa dans le sac et en sortit une enveloppe qu'elle lui tendit. Le jeune homme la saisit et vérifia rapidement le contenu. Il leva un sourcil.

- Ce n'est pas ce que nous avons convenu...


Le cœur de la femme, qui battait déjà beaucoup face à l'assurance angoissante de son interlocuteur, s'accéléra un peu plus.

- Je sais mais je suis mère et j'élève seule mes trois enfants. J'ai un boulot qui nous donne juste de quoi vivre, je ne peux pas vous donner plus !

Il secoua lentement a tête de gauche à droite.

- Je crains que vous n'aurez très vite plus besoin d'argent si...

Son sourire s'effaça. Il fixa intensément le revolver, qu'elle avait rapidement sorti de son sac, pointé sur lui. Cette misérable femme qu'il avait pourtant rendu service.

- Madame Turner... j'aurai été prêt à vous confier un autre délai mais vous ne me laissez pas le choix.

L'intéressée sentit sans prévenir une décharge froide lui parcourir le bras avant d'atteindre la main qui tenait l'arme. Elle vit, terrorisée, ses doigts se refermer plus fort sur le manche.

- Bien que vous soyez surnommée l'oiseau-tigre, reprit-il, il semblerait bien que...

La main de la jeune femme  tourna le pistolet contre sa tempe. Elle mit toute la volonté du monde pour se libérer de la force qui la tenait mais rien à faire: elle ne contrôlait plus du tout son corps.

- ... l'oiseau soit tombé du nid avant que le tigre ne le rattrape.

L'index de la femme appuya sur la gâchette. Le coup de feu résonna sinistrement dans le lointain. Sans regarder une seule seconde le corps inerte qui baignait désormais sa propre flaque de sang, remonta dans la voiture qui reprit lentement sa route.

Lundi 9 août 10

Il était minuit passé, le téléphone sonna. Je décrochai avec excitation : c'était la Lune à l’appareil. Elle souhaitait savoir si je pouvais, encore une fois, aller la voir sur la colline. Je lui répondis que ce n’était pas un problème, qu’au contraire c’était même un plaisir. Elle rigola doucement. « À tout de suite ! » me dit-elle avant de raccrocher. Sans perdre une seconde, je mis mes petites chaussures légères, ma veste bourrée de billets doux que j’avais écrits toute la journée pour elle, et je partis la rejoindre.

La fraîche brise caressa doucement ma nuque, joua tendrement avec mes cheveux. Brusquement, je levai la tête et l’aperçus. Elle était comme toujours d’une beauté infinie mais d’une jalousie sans pareille. Elle regarda de travers le vent et lui ordonna sèchement de ne plus me toucher et de partir. Et soudain, je ne sentis plus un souffle me parcourir. Il ne se l'était pas fait répéter deux fois et était parti effrayé. Ma compagne me lança tout-à-coup un regard si affectueux qu'il me fit, malgré moi, sourire et agita mon cœur.

Après quelques minutes d’impatience, j'arrivai au sommet, le seul endroit de la ville où je pouvais me trouver au plus proche d’elle, où je pouvais presque la caresser du bout de mes doigts. Elle brilla plus que jamais. Je l’entendis glousser dans son coin. Elle tentait de me séduire et elle y arrivait sans difficulté. Je sortis d’une de mes débordantes poches une lettre, au hasard.

« Ma Lune, tu n’es peut-être pas une de ces milliers d’étoiles qui t’entourent mais tu es parmi elles la plus belle. Ton éclat est tel qu’au lieu de m’aveugler il m’éclaire et me fait comprendre que ma vie sans toi ne serait pas la même. Emmène-moi dans ton monde, ma Lune, je te promets de t’aimer à jamais. »

– Bientôt mon rêveur tu pourras me rejoindre, me répétait-elle mystérieusement.

Et, comme à chaque fois, je lui lus alors d’autres déclarations, les unes à la suite des autres, jusqu’au petit jour où elle me souffla délicieusement à l’oreille « À la prochaine... » avant de disparaître.

Samedi 31 juillet 10

Cette nuit-là, les étoiles illuminèrent tellement le ciel que la Lune, jalouse, s’était efforcée de refléter de son mieux les rayons du Soleil pour ressembler, elle aussi, à une lumière et à la plus belle d’entre toutes. Un peu plus bas, cette compétition nocturne dégageait une atmosphère à la fois magnifique et mystérieuse à travers la grande fenêtre d’une chambre habitée par deux amoureux, endormis l’un contre l’autre. L’éclat blanc des astres semblait les avoir enveloppés dans un moelleux cocon que la couverture, tombée à côté du lit, ne pouvait remplacer. Les deux corps, plongés dans un océan de rêves, respiraient sous un rythme presque musical.

Le pied de la jeune femme, prisonnier entre ceux de son bien-aimé, glissa lentement, libérant la jeune danseuse, aux yeux enflammés et à la robe légère, qui était dessinée sur sa douce chair. Jusqu’alors figée comme de la pierre, elle s’anima sans prévenir, en s’étirant et en baillant gracieusement. Puis, remontant la jambe de sa maîtresse, elle regarda autour d’elle, émerveillée par ce qui l’entourait. Elle grimpa plus haut, escaladant son ventre plat et contournant sa poitrine généreuse, jusqu’à arriver au creux de son cou.

Un grand sourire apparut aux lèvres de la danseuse quand elle aperçut, sur l’épaule de l’homme allongé à côté de sa dame dont le bras s’était logé derrière sa nuque, un beau et ténébreux militaire qui montait la garde. Elle s’approcha de lui et, attirée par son charme, lui adressa un clin d’œil qui en disait long. Le soldat resta impassible et ne bougea pas d’un poil. Elle ne baissa cependant pas les bras et improvisa pour lui une petite danse. Bien que le militaire fût toujours au garde-à-vous, elle sentit qu’il commençait à défaillir et plongea son regard brûlant dans ses yeux troublés. Il trembla de tout son corps puis, après quelques encore quelques longues secondes d’hésitation, ne résista plus et s’avança vers elle.

Alors la danseuse bougea plus énergiquement son corps et lui fit signe, d’un geste de main, de venir près d’elle, tout près d’elle. Le soldat hésita encore quelques instants à s’échapper du corps de son maître mais il sentit l’impatience de la petite danseuse et, d’un saut, se retrouva pour la première fois sur une autre peau. Elle lui prit le bras puis lui fit une bise sur la joue avant de s’échapper en courant sur le corps de sa maîtresse dans un rire silencieux. Il n’était pas question pour lui de la laisser partir ! Définitivement ensorcelé par ce baiser, il s’élança à sa poursuite, le long d’un bras, autour d’un sein puis au creux arrière d’un genou. Il la retrouva finalement, après une romantique course-poursuite, sur le pied légèrement dégagé du drap. Dans un sourire, il s’élança vers elle, la prit par la taille, la serra contre lui et colla ses lèvres aux siennes.

Ils étaient désormais pris au piège de leur amour et passèrent le reste de la nuit à jouer et à s’embrasser.
Les premiers rayons du Soleil, entrant largement dans la chambre, tirèrent les deux amoureux de leur sommeil. Quelle ne fut pas leur surprise, alors, d’apercevoir sur l’épaule du jeune homme le tatouage d’une danseuse souriante et sur le pied de le jeune femme celui d’un militaire à l’uniforme en désordre.

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