Dimanche 16 mai 10

Mes yeux s'ouvrirent sur une table de jeu. Le banquier du destin me donna des cartes. Une fois qu'elles furent dans mes mains je ne compris pas leur valeur. On ne m'avait pas expliqué les règles. Les autres joueurs autour de moi ne semblaient pas en savoir plus. S'éleva alors la voix du banquier qui déclara la partie ouverte.

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Dimanche 9 mai 10

Un jour comme tous les autres jours, Julien ouvrit les yeux. Ce matin-là pourtant il se réveilla brutalement avec un affreux mal de tête. Ce fut tellement douloureux qu'il posa mécaniquement la main sur son front afin de savoir s'il avait de la température. Et avec étonnement il constata qu'il était non seulement en sueur mais qu'en plus il saignait: sa paume avait des tâches rougeâtres. Il se leva subitement puis se précipita dans la salle de bains face au miroir. Son reflet lui renvoya alors l'image d'un homme qui s'était réveillé avec la gueule de bois. Il se rappela qu'il avait la veille au soir effectivement bu quelques substances à moitié allongé sur le canapé.

Sa vision était un peu plus floue. Il se rapprocha de la glace pour mieux se regarder dedans et c'était avec surprise qu'il remarqua qu'il n'avait de plaies ni sur son front ni sur une autre partie de son visage. Il palpa son cou, son torse, son ventre, ses bras, ses jambes et même ses pieds mais il ne trouva pas une seule blessure. Pourtant, il était tâché de sang. Son cœur s'affola et ses battements se multiplièrent. Il essaya de comprendre ce qu'il s'était exactement passé durant la soirée.

Il était là sur le canapé en train de boire... et il rigolait. Il riait d'une blague que lui avait raconté un autre homme situé à côté de lui et qui avait, lui aussi, pas mal abusé de la boisson. Mais qui était-ce ? Son visage lui semblait familier... mais oui ! C'était Arthur son meilleur ami ! Après l'absence, le temps d'un weekend, de la femme de Julien, qu'Arthur trouvait charmante, ils avaient tous les deux décidé de passer la soirée du samedi ensemble en regardant un match de foot à la télé. D'ailleurs, ils s'étaient beaucoup amusés.

Puis, un certain nombre de canettes de bière plus tard, l'alcool aidant, Arthur lui avoua quelque chose. Julien, sur le coup, ne se rappela pas ce qu'il avait bien pu dire mais ça l'avait mis dans une rage si intense qu'il l'avait frappé si violemment qu'il l'avait vu tomber par terre, assommé. Il en avait profité pour partir dans la cuisine afin d'y chercher quelque chose...

Ne sachant plus quoi, Julien sortit alors de la salle de bain et, en allant dans la pièce concernée, remarqua qu'un tiroir était ouvert. Aussi effrayé qu'intrigué, il courut dans le salon et aperçut non loin du canapé, celui sur lequel il s'était endormi pourtant, une longue et tranchante lame plantée dans un corps inerte noyé dans une flaque rouge. Il comprit alors que les tâches qu'il avait sur lui ne provenaient pas de son sang mais de celui de son ami.

Il fut alors frappé d’une vision: il vit une scène floue où Arthur touchait sensuellement le corps d’une dame non insensible à ses phrases plus que flatteuses portant sur ses fines et délicates courbes...

Revenant à lui, presque aussi pâle que le cadavre, il se remémora alors ce que ce dernier lui avait confié avant que tout parte en vrille, avant que ses sentiments l'aient poussé jusqu'à le tuer. Arthur s'était approché, tel un serpent glissant vers sa proie, et lui avait alors murmuré à l'oreille :

- J'ai couché avec ta femme.

Dimanche 9 mai 10

Ça nous ait tombés dessus par un mauvais hasard, tel un sinistre rêve surgissant par surprise dans le repos des dormeurs. Il me semble qu’il était venu nous rendre visite un mardi ou un vendredi. J’ai toujours considéré ce jour non seulement comme le dernier dans le monde tel que je le connaissais mais aussi comme le premier dans un autre qui était beaucoup moins lumineux et bien plus obscur que le premier. Un monde dans lequel désormais j’y suis plongé avec tous les autres qui, tout comme moi, se noient petit à petit dedans.
Il faisait pourtant merveilleusement beau ce jour-là. L’air était doux et sucré. J’avais d’ailleurs soupçonné le marchand de glaces, situé non loin de la fac, dans son petit camion, d’avoir voulu appâter les étudiants fatigués de leur journée.
 
-      Hey ! me lança Laure avec ses yeux allumés de malice. Ça te dit pas de goûter ?
-      Tu sais, je suis pas très sucré…
-      Rooh allez ! En plus il est juste à deux mètres !
-      Bon c’est d’accord !

Nous partîmes alors à la rencontre du vendeur des plaisirs du palais.

-      Salut les jeunes ! Je vous sers quoi ? Salade, tomates, oignons ?
On eut la même réaction :
-      Heeeeu…
-      Mais nooon ! s’exclama-t-il en riant. Je plaisante ! Chocolat, vanille, fraise ou pistache ?
 
Ma collègue, mais surtout mon amie, se lança la première, l’eau à la bouche.
 
-      Pour moi, ça sera vanille !
 
Le marchand s’exécuta et Laure prit ensuite dans ses mains ce qui devait semblait pour elle de l’or comestible tellement qu’elle regardait la boule jaune-blanche posée sur son cornet avec une vive admiration.
 
-      Hahaha t’es affamée à ce que je vois ! Et pour toi jeune homme ce sera… ?
-      Chocolat.
 
Tout à coup, alors qu’il me préparait la glace, le ciel devint si lumineux que je fus obligé de me couvrir les yeux pour ne pas devenir aveugle. Les personnes qui étaient autour de nous commencèrent à crier, non, à hurler, comme si elles allaient mourir dans la seconde qui suive.
 
J’ouvris tant que bien mal mes yeux et m’aperçus que le marchand de glace avait tout abandonné, avait ouvert la porte de sa camionnette, et avait pris les jambes à son cou. Avec angoisse, ma tête regarda en l’air et remarqua qu’il y avait au dessus de moi non pas un soleil mais deux. C’était si éclatant que je dû baisser mon regard vers le sol pour ne pas me brûler. Je voyais des étoiles. La glace de Laure était en train de fondre sur le sol.
 
-      Vite ! lui criai-je. Faut pas rester là !
-       Et on va où ? me répondit-elle paniquée.
-       On retourne à l’intérieur !
 
Je lui pris la main et la ramena dans le hall de la fac. Des étudiants, mais aussi des passants, avaient fait la même chose que nous. Les lamentations s’amplifièrent par l’écho. Je clignai des yeux et récupéra petit à petit ma vue. Nous restions là une longue minute, assez perdus.
 
-      Putain ! Mais il se passe quoi ?! s’écria-t-elle.
 
Bien entendu je n’en savais pas plus qu’elle. J’avais laissé toutes les questions qui me venaient à l’esprit de côté. Je sentais que le pire était à venir…
 
-      Là ! me dit-elle en me désignant l’amphithéâtre A1. Il y a une télé dedans !

Sans plus attendre, nous nous engouffrâmes dans la salle. Il y avait une trentaine de têtes. Quelqu’un avait déjà allumé et on pouvait entendre des phrases pas rassurantes du tout de la part d’une journaliste.

… un missile nucléaire a été déclenché et se dirige actuellement vers Paris. Il est demandé aux citoyens de se réfugier sous le sol, aussi bien les caves que…
Elle s’interrompit lorsqu’on lui parla dans son oreillette. Elle se leva puis implora tous ses dieux en quittant précipitamment le plateau sur lequel elle se trouvait.

-      Bordel de merde ! jura un étudiant. Elle est sortie de l’immeuble de la chaîne ! Faut faire pareil et se réfugier !
-      Où ??! hurla une jeune femme qui était en train de s’arracher les cheveux.
 
Une idée me vint en tête.
 
-      Les égouts !

Laure, moi et toute la troupe parcourûmes le chemin inverse et ressortit dehors. L’air était devenu étouffant.
Quelques mètres plus loin je vis ce que je voulais trouver : la plaque d’égout. Sans hésiter une seule seconde, je la fis glisser sur le côté, remarqua que l’intérieur n’était pas profond, et fis pousser Laure dedans avant de m’y engouffrer à mon tour.
D’autres jeunes firent la même chose que nous, on se fit de plus en plus nombreux. On avait tellement peur qu’on ne s’aperçut pas de l’odeur pétrifiante qu’il régnait ni des nombreux rats qui s’enfuyaient en nous voyant. Il faisait sombre et la seule source de lumière venait de là où nous étions venus.

Cette dernière vira brusquement au rouge. On hurla et on pleura plus fort. La dernière personne qui était rentrée, un jeune homme avec qui j’avais eu l’occasion de parler plusieurs fois, avait refermé au dessus de lui. On fut alors plongé dans l’obscurité. On entendit la plaque d’égout se relever et se refermer plusieurs fois de suite. Mais l’homme ne laissa rentrer personne d’autres et tint bon.

Soudain, un énorme bruit vint me percer les oreilles. La douleur fut tellement forte que je tombai par terre, inconscient.
Lentement, mon esprit revint à lui et je fis de mon mieux pour me remettre debout. Laure, agenouillée, me fixa de ses yeux mouillés sans dire un mot.

Je m’étais alors avancé vers elle maladroitement, déstabilisé par les bourdonnements insupportables dans mes oreilles, puis, voyant qu’elle s’était levée entretemps, je l’avais prise dans mes bras. Dans ces moments de douleurs et d’incompréhensions il n’y avait plus que ça à faire.
La lumière était revenue dans les égouts mais elle n’était plus aveuglante. Elle était devenue au contraire gris. Les gens, un peu perdu, commencèrent à remonter vers la surface. Nous fîmes de même en prenant l’échelle. Quelques minutes plus tard j’étais à l’extérieur. Mes yeux s’agrandirent.

Et là je sus tout au fond de moi que ce jour fut le dernier dans le monde dans lequel je vivais et le premier dans un autre dans lequel j’allais devoir survivre.

Dimanche 9 mai 10

À chaque fois qu’arrivait les grandes vacances d’été, les parents avaient pour habitude d’envoyer leurs deux enfants à la campagne, loin des agitations de la ville. Ainsi, Julien et sa petite sœur Céline se retrouvaient chaque mois de juillet chez leur grand-mère.

Celle-ci vivait dans une très grande et ancienne maison. Elle ressemblait à celles qu’on pouvait voir dans certains films d’épouvante où les pauvres propriétaires se faisaient pourchassés par des fantômes et monstres en tout genre.

Céline, comme toutes les petites filles de son âge, avait beaucoup d’imagination et il n’était pas rare durant la nuit que son grand frère Julien la voit débarquer précipitamment dans sa chambre, apeurée, en lui demandant d’une voix faible et tremblante si elle pouvait dormir près de lui parce qu’elle avait entendu du bruit.

Pourtant, la maison n’était pas si effrayante que ça. Julien, d’ailleurs, la trouvait apaisante car il avait l’espace et le calme qu’il n’avait pas le reste de l’année à Paris. Il pouvait se reposer et s’amuser avec Céline qui lui proposait chaque jour un nouveau jeu.

Ce jour-là, ils étaient des pirates à la recherche d’un trésor. Dans l’énorme jardin, sur un étroit bateau en bois qu’ils avaient construits ensemble, elle était le capitaine et lui le moussaillon. Elle portait un véritable chapeau noir avec une tête de mort dessus et lui un simple bandana blanc. Ils naviguaient depuis des jours sur une mer capricieuse et déchaînée lorsque soudain une ombre se dessina au loin.

- Capitaine ! lança le matelot. Terre en vue !
- Parfait !
répondit l’intéressé. Cherchons le trésor !

Ils firent mine de débarquer sur une étrange île en quittant l’embarcation. Céline mit devant son nez la carte qu’elle avait dessinée en crayonnant un « X » à l’endroit où la richesse tant convoitée des voyous des mers se trouvait. Elle tapota le « X » du bout de son index puis s’avança dans l’herbe. Julien la suivit en tenant une pioche sur son épaule. Tout à coup, elle se figea avant de sautiller sur place.

- Le trésor est ici ! s’exclama-t-elle. Creuse ! Creuse !
- À vos ordres capitaine !


Julien s’approcha de sa petite sœur. Il était sur le point d’agir mais s’arrêta brusquement et ouvrit de grands yeux en apercevant une croix sur le sol… ils n’en avaient pourtant pas fait une avant de jouer aux pirates !

Fasciné, il enfonça la pelle au niveau du symbole et fit un trou qui devint de plus en plus profond à chaque portion de terre enlevée. Allaient-ils vraiment tomber sur un objet grande valeur ?

Il mit encore un coup de pioche avant que sa houe ne touche quelque chose de dur. Il lâcha l’outil puis, en se mettant à genoux, il enfonça ses mains dans le trou avant de les ressortir refermées sur une petite boîte qu’il posa à côté de lui sous le regard de sa sœur surexcitée.

- Ouvre ! Ouvre !
ordonna-t-elle.

Le cœur battant, il ouvrit doucement le coffret. La déception s’afficha sur le visage du capitaine.

- Oooh… il y a pas de pièces d’or…

À la place on pouvait y voir une lettre. Le jeune homme la prit et l’observa de près : l’enveloppe avait jauni et elle était adressée à Thérèse… leur grand-mère ?!

- Viens ! s’écria Julien à sa sœur qui, dégoutée, avait jeté entretemps son chapeau par terre. La lettre est pour mémé !
- Mémé ?!
répéta-t-elle, surprise.

Ils traversèrent le jardin à toute vitesse en abandonnant tout le reste avant de se précipiter vers la porte d’entrée qu’ils ouvrirent brusquement. Ils traversèrent quelques pièces à la recherche de leur grand-mère avant de la trouver dans le salon, sur le fauteuil, en train de lire un livre. Elle le posa sur ses genoux en entendant ses petits-fils arriver.

- Mémé ! crièrent-ils d’une seule voix. Il y a une lettre pour toi !
- Ha bon ?
répondit cette dernière.

Elle prit l’enveloppe dans ses mains, plissa les yeux, et poussa un cri d’étonnement en reconnaissant l’écriture : c’était celle de son mari emporté par une maladie depuis plus de dix ans !

- Vous l’avez trouvé où ?! demanda-t-elle ébahie.
- Dans le sol du jardin
, lui informa Julien.
- Et c’est moi qui l’ai trouvée !
annonça Céline toute fière.

Elle décacheta la lettre et glissa une feuille vers l’extérieur. Elle lut ce qu’il y avait d’écrit dessus. C’était l’une des nombreuses déclarations d’amour que son mari lui écrivait et qu’il cachait un peu partout dans la maison en espérant qu’elle les trouve par hasard.

C’était un jeu complice que l’amoureux avait inventé pour séduire chaque jour sa belle. Sauf que celle-ci n’avait jamais pensé qu’elle trouverait l’une d’entre elles enterrée dans le jardin !

Elle dégusta chaque ligne de son cher défunt. Les larmes lui coulèrent sur les joues.

- Oh ! fit alors la petite Céline, inquiète. T’es triste Mémé ?
-  Non
, répondit-elle. Je suis heureuse.

Puis elle embrassa tendrement leur front. Céline était trop jeune pour comprendre mais Julien su alors que le véritable trésor n’était pas composé de pièces d’or mais de joies et de bonheurs.

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Par
Tote

Dimanche 9 mai 10

Il ouvrit délicatement la porte comme s’il s’apprêtait à découvrir derrière elle quelque chose d’une rareté et d’une valeur hors du commun. Il trouva à la place des pièces blanches et vides d’un appartement mais ces dernières représentèrent pour lui la composition d’un véritable et fabuleux trésor.

D’un air émerveillé, il avança de quelques pas vers l’intérieur puis toucha avec douceur le mur le plus proche. Il sentit son rêve se concrétiser au bout de ses doigts. Il allait enfin vivre loin de la dépendance, loin de ses parents.

Pourtant, Dieu sait qu’il lui avait fallu du temps et de la persévérance pour les convaincre de le laisser partir. Surtout sa mère… une véritable mère-poule ! Elle ne voulait absolument pas que son petit quitte son nid. Elle avait peur qu’il se perdre dans un monde beaucoup trop grand, qu’il s’expose dans un monde beaucoup trop sauvage.

Il s’était d’ailleurs déclenché entre elle et lui une véritable guerre. Chaque camp utilisait ses propres arguments comme des armes et des boucliers. Elle prétendait qu’il était trop jeune, qu’il n’arriverait à jamais à s’en sortir à des centaines kilomètres d’eux. Lui disait qu’au contraire il était plus mâture que les autres garçons de son âge et qu’il saurait s’organiser. Le père, un peu partagé, finit par être convaincu par son fils et se plaça à ses côtés. Après des mois et des mois de bataille, la mère abdiqua en sanglotant dans les bras de son mari. Elle réussit tout de même à trouver un compromis en lui demandant de promettre d’aller les voir au moins une fois par mois.

Il se détacha du mur et contempla l’espace qui l’entoura. Ici, dans cette pièce, ce sera son salon. Il installera une immense télé devant un énorme canapé où lui et ses amis prendront place pour regarder leurs films préférés. A gauche du salon ce sera sa chambre. Il y fera mettre un grand lit et il pourra s’y étaler dessus de tout son long des heures durant pour non seulement dormir mais aussi pour lire un ou deux passionnants livres confortablement. Puis, il fera mettre dans un coin une immense plante verte qui sentira bon la nature. Et à côté de l’entrée il y aura un porte-manteau tellement original que ses invités seront obligés de rire en le voyant.

Émergeant de ses pensées, il s’approcha d’une fenêtre qui ouvrait sur une belle rue animée. Un sourire se dessina sur son visage lorsqu’il aperçut le camion, contenant ses biens et ses meubles, s’arrêter juste en bas.
 
Il allait enfin emménager dans une nouvelle vie.

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