Mercredi 25 février 15

Collaboration avec le chapardeur.


« L’armée des ombres sonne minuit.
Il est temps, guerrier, d’illuminer ton cœur.
Tu te crois perdu dans les ténèbres mais tu es une étoile.
Avale la lumière, cette chaleur que consomme la vie, et va.
Bats-toi.
Tes yeux sont l’épée, ton sourire le bouclier.
Parcours ce monde, danse entre les boules de feu.
File loin, toujours plus loin.
Au plus près de toi-même.
La nuit est une reine qui n’attend que son roi.
Toi. »


 
Ma noirceur, tes étoiles. Il est étrange d’appartenir à un moment incertain couvert de lumières lunaire. C’est parfois ce que je ressens. Je ne suis pas le soleil radieux tu sais, ma carte c’est la lune noire, celle qui dissimule, celle qui est trouble, car troublé je le suis. Je suis un agrégat d’enchevêtrements tantôt mystérieux, tantôt lumineux. Une touche de diablerie en plein romantisme, un sourire angélique en pleine perversion. Voici le portrait de celui qui le séduisit.
 
La beauté du diable, m’avait- t-on susurré langoureusement un soir, une nuit de débauche. Tu voulais aborder la nuit, la mienne sera sombre.
 
Et puis cette musique qui passe, cette musique qui le fit revenir dans mes bras une première fois. Comme elle me va si bien, trop bien. Écoutez-là, je vous accueille avec humilité, avec tristesse, avec déchirement dans notre intimité. Mon cœur s’est barricadé car il ne fallait pas qu’il soit dévasté. La finalité ? C’est moi qui aie broyé le sien avec insouciance et cruauté.
 
Oui, le voilà ce visage qui sait prendre la lumière, s’en nourrir et qui peut la rejeter en un claquement de doigt. Tu t’es lassé n’est-ce pas, de mes nombreux mystères ? Évidemment, comment aurait-il pu en être autrement, je ne tolère personne dans mon jardin d’hiver, alors si en plus tu es amoureux de moi, follement de surcroit…
 
J’écris ce soir, cette nuit, ce matin. De guerre lasse, Je ne sais plus. J’écris sur cette obscurité latente contre laquelle je ne peux rien, car elle n’est pas dans mes moyens. Il faut en passer par là, encore et toujours. Fatalité suspend ton vol et embarque moi hors de ces noires avenues où je n’ai que trop vécut. Dire qu’hier je disais de cet homme qu’il ne pouvait pas évoluer comme je l’avais fait. Si seulement j’avais grandis quand il le fallait. C’est-à-dire quand il me quitta une première fois à cause de la chose publique.
 
Non, j’étais trop content de son retour que je ne me suis pas engouffré dans les tréfonds de mon âmes. Je ne voulais pas rencontrer mon double, cet autre, « Valmont ». J’aurai dû, une fois, dix fois, cent fois, mille fois ! Bordel, j’ai manqué dès son retour de ce courage-là.
 
 « Viens récupérer ici, le témoin des étoiles,
Grâce auxquelles la nuit peint ses plus belles toiles ».
 


Le soleil tentait tant bien que mal de me caresser la joue du bout de ses rayons… en vain. Même le jour n’arrivait plus à dissimuler les ténèbres qui dansaient en moi, à l’unisson, sous cette mélodie en boucle. Je ne percevais que les spectres sombres, ces silhouettes déguisées sous des costumes cousus dans des véritables morceaux d’abysses. Ils me fixaient de leurs yeux intensément vides, me tendaient leurs mains froides pour que je me joigne à eux. Plus le temps passait, plus leurs festivités m’attiraient.
 
Qu’il serait bon de se laisser emporter sous le rythme du diable, pensais-je. Mes doigts glisseraient dans le creux de quelques reins, ma langue s’inviterait entre quelques lèvres dociles, et mes soucis, mes colères et mes cœurs s’envoleraient aussitôt. Il ne resterait que mes envies, mes pulsions et mes fantasmes dans un corps débarrassé de toutes contraintes. Sans blessures ni brûlures, juste le soir et moi.
 
Pourtant, quelque part, quelque chose me retenait. Ça ne voulait pas me laisser partir, ça ne voulait me laisser m’amuser. Ca s’agrippait dans le peu qu’il me restait de raison.
 
« N’y va pas », ça me disait.
 « C’est la fête de ta défaite ».
 
Et dans cet entre-deux, je cherchais la noirceur du ciel idéale pour pouvoir être guidé par les étoiles.


NON, n’y va pas, ne recule pas pour mieux sauter car il faudra bien, braver ce chemin véhément et incertain !  Oui tu y plongeras, crois-moi. J’ai fait l’erreur il y a longtemps d’y succomber et c’est une folie suicidaire. Passer de reins en reins, de lèvres en lèvres et se laisser dérouter vers les tréfonds de cet esprit malsain.
 
Tu sais, on se réveille un matin le lit garni de nos morceaux de nature rafistolée et l’on se rend compte qu’il n’y a pas la finalité ardemment souhaitée. Alors dans un tourbillon écarlate on cherche, on scrute, on observe avec appréhension et effroi dans ces abandons successifs, le début d’un matin apaisant et pur. C’est l’ombre grandiloquente d’un égo glaçant et surdimensionné qui se montrera. Tu t’apercevras alors combien ces fuites n’auront servis à rien et combien tu seras encore plus salis et écorché, que lorsque tu succombas la première fois pour oublier les ombres de ton passé.
 
Alors suis-moi, j’ai ouvert la voie il y a des mois de cela. La route sera longue et rude je ne te le cache pas mais au moins ensemble nous dompterons nos ombres, celles qui nous ont faites trébucher. Les portes de mon monastère sont dégondées, elles n’ont plus de raisons d’exister. Alors entres et prends la lueur que je t’ai préparé avec bienveillance et sérénité.
 
 Elle est incomparable comme le sont nos étoiles.
 


De retour dans la nuit, la voix ne me quitte plus. Elle est là, connectée dans mes neurones, alimentée par mon cœur. Elle m’hurle par murmures de ne pas franchir la muraille, de rester là où je peux voir la lumière dans les ténèbres.
 
« Sans astres, désastre », me répétait-elle. 
« Il faut les deux pour être heureux »
 
Maintenant j’ai compris que je suis resté pour me rejoindre, entre le pavé rouge et les nuages bleus, le crépuscule et l’aube, la haine et l’amour. Qu’il n’existait ni mauvais ni bon côté, juste moi et moi, mes sentiments fusionnels divergents, ainsi que le dessus de ma tête comme seule couverture.
 
Depuis que j’ai accepté la noirceur du ciel entre les étoiles, j’ai compris que la voix n’était nulle autre que toi.
 
Ma lune.
 
Et je crois que pour la première fois depuis longtemps, je souris.
 
Je souris. 

Mercredi 21 janvier 15

Tes mots s'étaient envolés aussi légèrement que la vaisselle.  Je me les étais pris dans la tête, dans le cœur, ça m'avait tout fracassé au dedans. Il y avait plus de morceaux dans ma poitrine que dans la cuisine. Il était question d'un impôt, d'une taxe ou alors d'un crédit... je ne savais plus. Je me souvenais juste du principal, de quelque chose que l'on devait, des zéros qui s'alignaient sur une feuille, de la colère qui te montait aux joues mais surtout de la peur qui s'amusait à danser dans tes jolis yeux humides.

Et pour la première fois, je n'avais pas eu la force de combattre le monstre qui t'habitait, qui faisait en sorte que ça ne soit pas toi. Je n'avais eu qu'une envie: m'enfuir. Et j'ai fui. Je suis parti me réfugier dans la chambre, j'ai sorti ma plus belle craie de couleur puis j'ai dessiné sur l'un des murs une porte. Pas trop grande, pas trop petite, juste de quoi me laisser rentrer.

Je me suis alors envolé direction les étoiles, le bord du monde, le Rakuen, ou les trois à la fois, dans des mondes qui se distinguaient dans leur mélange, qui se réunissaient en se séparant. J'étais confus, guidé par la machine de mon cœur, nourrie à l'essence de mon sang bouillant, sur des voies tracées dans tous les temps.

J'étais ici ou, et, là, j'étais moi, ou, et, lui, j'étais plus, ou, et, j'étais encore, ou, et, j'étais bientôt. J'étais ou je serai émotion qui sera ou était pensée et avant ou après parole. J'étais livre sans mots, dessin sans traits, musique sans notes, musicien dans le dessinateur de l'écrivain. J'allais forcé où bon me semble, je montais en bas pour descendre d'en haut, je parlais muet pour voir sourd, je sentais le son pour toucher le goût. Je frappais en embrassant chacun d'entre toi, copies d'une seule personne à plusieurs. Plus, ou, et, moins je partais, moins, ou, et, plus, je m'approchais, plus, ou, et, moins j'étais fou, plus, ou, j'étais net. Je ne distinguerai plus le présent que fut le futur ni de de ce que sera le passé. Je me voulus lorsque je passe par la porte qui sera fermée. Je reviendrai lorsque je sais ce qu'il fut. Il sut qu'il sera je qu'il est lui. Il se rappellera ce qu'il est quand j'étais.
 

Jeudi 15 janvier 15

Je t'aurais longtemps combattu
Dans ces nuits de rêves intenses
Où mon corps a été vendu
Sans la moindre résistance
À une amoureuse des rues

Même dans mes longues journées
Où j'aurais dû t'oublier
Tu me revenais tout armé
De tes bras et de tes baisers
Sans une once de pitié

Alors ma vie dans l'orage
Sous l'égide de ma raison
J'ai cherché à être sage
Je me suis fermé aux sons
Ainsi qu'aux accrochages

Je me suis crevé le cœur
Je l'ai laissé se vider
"Il finira bien acquéreur
D'une autre âme à aimer"
Je me disais, je me disais...

... il a suffit d'un de tes sourires
Pour venir tout remplir.

Dimanche 4 janvier 15

 D'une corde en rêves solides
J'accroche ma nuit au bord du monde
Où je te revois par millisecondes
Belle à m'en rendre stupide
 
Alors le cœur penché en avant
J'absorbe les traits de lumières
Ces morceaux de toi d'autant
Cachés dans un coin d'univers
 
Et j'en avale par milliers
Pour t'avoir au fond de moi
Et tant pis si je dois exploser
Faut bien aimer une fois
 
Et je lève mon fou rêve
Au dessus de toutes lois
Et tant pis si j'en crève
Je t'en prie regarde-moi
 
Et j'invoque tous mes dieux
En m'envolant vers toi
Je leur crie dans un trauma
"Je ne veux qu'être deux"
 
Mais le jour s'en vient déjà
Et tu repars en poussière
Tu t'échappes en stratosphère
Ton sourire direction l'au-delà
 
Mais la nuit n'est pas le jour
Je chute et tombe par terre
Des bleus partout sur le corps
Le cœur en cimetière
 
Et loin devant moi
Mon amour part en l'air...

Dimanche 30 novembre 14

Il avait beau savoir de ce pays que le vent soufflait si fort que les habitants eux-mêmes, excédés, étaient de plus en plus nombreux à se réfugier dans des zones moins exposées, il ne pensait pas pour autant se faire repousser en arrière avec autant de violence. S’appuyant de tout son poids sur ses jambes pour ne pas tomber à la renverse, la traversée aurait été encore possible, bien qu’il faisait chaud, si le sable brûlant ne s’en était pas mêlé.
 
Les grains, par milliers, le frappaient de part en part, tel un fouet invisible, le marquant à sang à plusieurs endroits malgré l’épaisseur de ses vêtements usés. S’ils ne se glissaient pas dans ses cheveux bruns abondants ainsi que dans sa barbe mal rasée, lui donnant l’air d’un véritable bonhomme de sable, ils rentraient sans pitié dans ses oreilles percées, ses yeux verts forêt, son petit nez délicat, et même entre les fines lèvres roses de sa bouche. La gigantesque cape qu’il avait mis face à lui, constituée de nombreux tissus, assortis à la couleur de son regard perçant, ne le protégeait suffisamment pas. Manquant de peu de finir étouffé, si ce n’est aveugle et sourd, il se résigna à en savoir plus sur cette région au climat difficile. D’autant plus qu’il avait cru voir un instant une silhouette familière qu’il ne souhaitait pas rencontrer. Ni une ni deux, il profita de la largeur de sa cape pour s’en couvrir entièrement. Il murmura quelque mots dans une langue ancienne puis disparut du désert de Sanamel.
 
Il se retrouva instantanément ailleurs, à des milliers de kilomètres de là. C’est ce qu’affirmait du moins sa petite boîte métallique qu’il gardait précieusement près de lui. Le vent était toujours présent mais n’était désormais plus qu’une petite brise légère caressant son corps endolori. Il relança sa cape en arrière, se débarrassa de tout le sable accumulé sur son visage et ses vêtements, toussa un bon coup puis observa le paysage tout autour de lui après avoir cligné plusieurs fois des paupières.
 
Il avait atterri sur une belle plaine verdoyante, entouré d’une armée de fleurs sauvages aux couleurs chatoyantes et accueillantes. Les odeurs qu’elles dégagèrent en sa présence le surprirent. Alors que certaines sentaient exactement ce qu’on attendait d’elles, d’autres ne voulurent pas respecter les lois de la nature et se distinguèrent par leur senteur de viande rôti, de poissons frais ou bien encore de fruits exotiques. Bien qu’étrange, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas atterri dans un endroit aussi calme et aussi joli. Il s’aventura dans ce petit monde merveilleux, le ventre en appétit, affamé par tous ces plats imaginaires que lui proposaient les plantes. Alors qu’il avait profité de l’existence d’un petit ruisseau pour se laver la tête et se désaltérer, ses narines décelèrent tout à coup un parfum. Son parfum.
 
Il se redressa brusquement, se retourna puis l’aperçut. Elle se tenait juste là, à moins d’un mètre de lui, dans ce paradis perdu. La première chose qu’il vit est sa chevelure blonde sauvage, presque aussi longue que sa cape, qui lui mangeait la moitié de son visage couleur neige. Une belle fleur acacia rose à l’oreille, ses yeux gris pétillants le regardaient avec une certaine tendresse.
 
- Bah alors Aydan ? Tu ne me prends dans tes bras ? dit-elle dans un sourire qui l’encourageait à s’exécuter.
 
Elle tendit sa belle main blanche mais il n’en fit rien. Il se contenta juste de la regarder, troublé, ravagé par les souvenirs qui remontaient à la surface. Il savait que cela ne servait à rien de lui parler mais il ne put s’en empêcher.
 
- Combien de temps vas-tu me poursuivre comme ça ?! lui demanda-t-il dans une colère noire. Surprise par sa réaction, elle prit un air triste et son regard se mouilla aussitôt.
 
- Je suis ta femme ! répondit-elle – sa voix, d’habitude mélodieuse, tremblait-. Je te suivrai toujours !
 
- Non ! Tu ne peux pas être ma femme ! Ma femme est morte ! Il l’avait hurlé avec une telle puissance qu’il en fut lui-même étonné. Cela faisait longtemps qu’il gardait ça sur le cœur. Des larmes lui coulaient le long des joues. Sur ceux de Mélissa aussi.
 
- Tu n’es qu’une honteuse copie de ce qu’elle était ! Tu ne peux pas savoir à quel point elle était parfaite pour moi ! Je l’ai tant aimée ! Oh oui, tant aimée... et elle est partie à jamais !
 
Il reprit sa respiration. Sa gorge, irritée par le sable, le grattait.
 
- Toi par contre, tu es là. Telle une malédiction. J’en ai eu des ennemis dans ma vie mais je ne pensais pas que l’un d’entre eux pouvait être aussi pervers et cruel pour me jeter un sort pareil !
 
Il essuya ses yeux rougis puis toussa à plusieurs reprises.
 
- Mais ne t’en fais pas, lui lança-t-il. Je parcours le monde entier pour trouver un remède. Celui qui me débarrassera une bonne fois pour toute de toi. Et le jour où je le trouverai je pourrai enfin faire mon deuil. Maintenant va-t’en !
 
Il s’enroula aussitôt dans sa cape verte avant de disparaître à nouveau dans un autre lieu, dans un autre temps, en espérant qu’elle ne le suivra plus, sans trop y croire.

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