Dimanche 16 mars 14

« Rien n'est jamais perdu. Il existe encore dans ta mémoire des restes. Tu ne récupéreras le moment dans son entier que si tu parviens à établir le lien mental. La "Trace". Immerge. Au plus profond de toi-même. Utilise ton imagination pour atteindre le concret. Tu dois sentir le fond. Une fois fait, remonte le moindre débris. Une image, un son, une odeur, un contact, une saveur... tout ce que tu peux.

« Souviens-toi.»

L'appartement était d'une étonnante fraîcheur, en décalage complet avec le monde extérieur qui étouffait sous le soleil de plomb d'un été caniculaire. Les murs étaient bleus bondi avec des nuances de blanc d'argent. Cela me donnait l'impression de vivre dans un joli ciel lové entre plusieurs nuages. Ce n'était pas très grand mais je m'y sentais bien. Comme un paradis qui me séparait de l'enfer du dehors. Je crois que... je crois que je n'é*t***is p*a***s*****

« Souviens-toi. »

Je n'étais pas seul. Quelqu'un d'autre partageait les lieux. Une présence familière qui ne me voulait que du bien. Une âme qui que je connaissais bien. Sa force. Ses faiblesses. Ce qu'elle était capable de faire. Ce qu'elle était impuissante d'accomplir. Ce qu'elle aimait. Ce qu'elle haïssait. Ce qui la rendait heureuse. Ce qui la déprimait. Je devinais tout d'elle et pourtant elle me surprenait encore. Comme se glisser par surprise derrière moi et me caresser doucement le fond. C'était... non ça se peut pas comme*nt e-st*ce po**ss-*ib***le qu****e********

« Souviens-toi. »

C'était un homme. Il était un peu plus grand que moi. Sa tête s'était calée dans le creux de mon cou. Il me piquait du menton en m'embrassant. Ses lèvres étaient chaudes. Ses bras aussi. Il me murmurait des choses que seul lui savait si bien prononcer. C'était un cuisinier des lettres. ll prenait des morceaux de choix, les mélangeait dans sa tête en suivant sa recette bien gardée, et, de sa bouche, en sortait toujours les meilleurs mots. Puis je me suis retourné et je n'*'arr**i*ve pa*s à y** croire s*i jama*is ils sava***ient *ça j*e s***erais o***hnon j*e veu**x pa***s y** p**e***nser j**e se**rais.******

« Souviens-toi. »

Je l'ai vu. Des yeux gris dont l'acier me traversait le corps en un seul regard. Ses cheveux mi-longs couleur de bois qui tombaient à hauteur parfaite sur ses épaules larges. Ses gestes dansaient au moindre de ses mouvements. Et ce sourire ! J'aurais pu tout vendre pour le revoir. Il me touchait du bout de ses doigts comme s'il tapotait les touches d'un piano. Soudain, il m'embrasse. Donne sa bouche et prolonge. Prolonge ma sensation d'être avec u***n a********n***********

« Souviens-toi. »

Un ange.
Ils me l'ont redonné.

« Que t'es-tu souvenu ? »
 
De qui j'aimais.

Samedi 1er mars 14

Le pavé rouge c'est ton cœur rejouant cette étrange musique
Celle qui remonte à l'envers le puissant fleuve de ta vie
Pour toucher du bout de ses notes tes souvenirs tyranniques
Et libérer un par un tes démons enchainés dans l'oubli

Le pavé rouge c'est ton esprit inventant des tristes ombres
Dans un monde que tu n'estimes pas assez lumineux
Des fantômes noirs inquiétants te hantent en surnombre
Dans un monde que tu ne crois pas assez courageux

Le pavé rouge c'est ton corps trainant sur des blocs cramoisis
Tes pieds se soulèvent du sol écarlate à une vitesse molle
Tu as beau hurler à tout ton être de fuir le plus loin d'ici
Plus tu le veux et plus tu t'affaiblis dans les guibolles

Le pavé rouge c'est ton âme perdant ses moindres repères
Tout ce à quoi tu t'attachais s'effondre sous tes yeux
Tu tends tes mains partout pour t'agripper au nécessaire
Et tes doigts se referment sans cesse malheureux

Le pavé rouge c'est surtout ton envie d'attendre tout de tes semblables
Que ça soit de leur faute et qu'ils te sortent de là
Mais celui qui t'as mis le plus dans cet état si minable
C'est toi

Le pavé rouge
C'est toi
Le pavé rouge
C'est toi

Lundi 6 janvier 14

- Ferme tes yeux, laisse tes oreilles percevoir les cris des murmures. Ces voix coincées dans les autres, cherchant à se défaire, à n'être enfin plus qu'une. Les entends-tu ? Non, bien évidemment ! Et pour quelle raison ? Seulement parce que tu t'entêtes à croire que ce monde n'est que silence, un ensemble de sans bruits, un calme inébranlable. Putain mais... penche-toi ! Tout n'est que vacarme ! Elles te gueulent dessus, exigent que tu leur prêtes de l'attention ! Pas de leur répondre ! Juste de boire leurs paroles, d'absorber les mots qu'elles te balancent, de les assimiler, de les comprendre. Ces chuchotements hurlés sont avis, conseils, jugements, opinions, plaintes et pensées, instrumentalisées dans chaque ton possible. Tout ce qui est bon pour le cœur, l'esprit, est là. Il suffirait seulement que tu les accueilles telles qu'elles sont. Pourquoi je te dis tout ça ? Parce qu'un jour, lorsque ton corps ne te suivra plus, tu ne seras plus qu'un souffle. Un souffle enragé exigeant de se faire entendre. Et à ce moment là, tu aimeras que quelqu'un soit là pour toi.

Samedi 4 janvier 14

La nuit fraîche se fixait, collait ses ombres un peu partout, au moindre recoin, des meubles jusqu'à mon cœur. C'était le moment, repérable, de commencer à nouveau. Je pris la feuille, fine, comme toujours, puis la déposa délicatement sur le bureau. Une terreur froide remonta l'axe de ma colonne vertébrale avec la réaction immédiate, impossible à contrer, de soulever la seule arme que j'avais à disposition contre les ténèbres: mon crayon.

Mes pauvres doigts meurtris d'avance par le travail à venir, qu'ils devaient pourtant fournir, s'agitèrent, s'envolèrent avec anarchie, avant de se déposer, dans une grâce perdue, sur le papier frileux. J'avais, dans la pensée la plus intime, choisi la plus belle image que j'avais conservé de toi. Celle perdue dans ta baignoire, immergée dans l'eau chaude, les montagnes de savon parfumé te cernant tout autour, la chaleur humide de la pièce, la buée prenant l'unique fenêtre. Un spectacle savoureux dont j'ai été le seul témoin.

Tes jolis traits venaient, tes courbes délicieuses aussi. Ta silhouette se formait, me déformait, me réformait. Ton corps nu allongé se dévoilait au bout de mon crayon qui s'était attardé, malgré lui, plus de temps qu'il était nécessaire, sur tes seins. Miner l'indifférence m'était difficile tant ce qui arrivait devant moi n'était que beauté. Je ne cessais de trembloter. Par trois fois, il me fallait arrêter, récupérer un rythme plus ou moins régulier, puis replonger. Je fis apparaitre tes mains que tu avais si petites, voulus les prendre dans les miennes que j'avais si grandes, me rappelai de la difficulté à pouvoir le faire, continuai avec tes fines jambes puis avec tes pieds délicats.

L'étape la plus longue arriva. Les souvenirs remontèrent, troublés d'avoir été dérangés d'aussi profonds, firent jaillir soudain ton visage pâle ovale qui m’exposa en pleine face. Percuté, je m'étais reculé afin de pouvoir te regarder. Le front large, les sourcils fins, le nez busqué, le menton allongé, il ne me fallait rien pour rajouter le rose à tes pommettes discrètes, le rouge à tes lèvres pulpeuses, le châtain à tes cheveux longs ondulés qui recouvraient le tout à moitié. L'évidence l'avait déjà fait.

Mais tu avais beau avoir le vert qu'il fallait à tes yeux en amandes, un coup d'œil me suffit pour comprendre que tu n'étais toujours pas consciente: tu n'avais pas de regard. Ton regard. Alors, mordu par le chagrin, jamais résigné, je te pris, te déchirai en plusieurs morceaux de toi.

- Tu me reviendras, amour, tu me reviendras, te lançai-je dans un souffle en te regardant te disperser dans les airs.

Samedi 12 octobre 13

Pour Alexandre. Le thème : « La lune de 1990 ».


Mille neuf cent quatre-vingt-dix
Tu te glisses dans ma nuit
Fille des étoiles éternelles
J’ôte chacun de tes habits
Te voilà encore plus belle

Ta peau est une mer blanche
Sur laquelle mes mains se noient
Je devrais punir ces maladroits
Mais le loup que je suis flanche
 
Lèvres chaudes sur lèvres glacées
Ta langue me brûle avec joie
M’apprend ce qu’est savourer
Le physique fait la loi

Et mes doigts dansent encore
S’accrochent, se décrochent,
Tombent, redemandent ton corps
J’aboie puis me rapproche

La suite, au conte de la narrer,
Tant que ce n’est pas aux enfants
Et je t’hurle ma bien-aimée
Ma promesse de ne pas oublier l’an
Mille neuf cent quatre-vingt dix.

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