« L’armée des ombres sonne minuit.
Il est temps, guerrier, d’illuminer ton cœur.
Tu te crois perdu dans les ténèbres mais tu es une étoile.
Avale la lumière, cette chaleur que consomme la vie, et va.
Bats-toi.
Tes yeux sont l’épée, ton sourire le bouclier.
Parcours ce monde, danse entre les boules de feu.
File loin, toujours plus loin.
Au plus près de toi-même.
La nuit est une reine qui n’attend que son roi.
Toi. »
Ma noirceur, tes étoiles. Il est étrange d’appartenir à un moment incertain couvert de lumières lunaire. C’est parfois ce que je ressens. Je ne suis pas le soleil radieux tu sais, ma carte c’est la lune noire, celle qui dissimule, celle qui est trouble, car troublé je le suis. Je suis un agrégat d’enchevêtrements tantôt mystérieux, tantôt lumineux. Une touche de diablerie en plein romantisme, un sourire angélique en pleine perversion. Voici le portrait de celui qui le séduisit.
La beauté du diable, m’avait- t-on susurré langoureusement un soir, une nuit de débauche. Tu voulais aborder la nuit, la mienne sera sombre.
Et puis cette musique qui passe, cette musique qui le fit revenir dans mes bras une première fois. Comme elle me va si bien, trop bien. Écoutez-là, je vous accueille avec humilité, avec tristesse, avec déchirement dans notre intimité. Mon cœur s’est barricadé car il ne fallait pas qu’il soit dévasté. La finalité ? C’est moi qui aie broyé le sien avec insouciance et cruauté.
Oui, le voilà ce visage qui sait prendre la lumière, s’en nourrir et qui peut la rejeter en un claquement de doigt. Tu t’es lassé n’est-ce pas, de mes nombreux mystères ? Évidemment, comment aurait-il pu en être autrement, je ne tolère personne dans mon jardin d’hiver, alors si en plus tu es amoureux de moi, follement de surcroit…
J’écris ce soir, cette nuit, ce matin. De guerre lasse, Je ne sais plus. J’écris sur cette obscurité latente contre laquelle je ne peux rien, car elle n’est pas dans mes moyens. Il faut en passer par là, encore et toujours. Fatalité suspend ton vol et embarque moi hors de ces noires avenues où je n’ai que trop vécut. Dire qu’hier je disais de cet homme qu’il ne pouvait pas évoluer comme je l’avais fait. Si seulement j’avais grandis quand il le fallait. C’est-à-dire quand il me quitta une première fois à cause de la chose publique.
Non, j’étais trop content de son retour que je ne me suis pas engouffré dans les tréfonds de mon âmes. Je ne voulais pas rencontrer mon double, cet autre, « Valmont ». J’aurai dû, une fois, dix fois, cent fois, mille fois ! Bordel, j’ai manqué dès son retour de ce courage-là.
« Viens récupérer ici, le témoin des étoiles,
Grâce auxquelles la nuit peint ses plus belles toiles ».
Le soleil tentait tant bien que mal de me caresser la joue du bout de ses rayons… en vain. Même le jour n’arrivait plus à dissimuler les ténèbres qui dansaient en moi, à l’unisson, sous cette mélodie en boucle. Je ne percevais que les spectres sombres, ces silhouettes déguisées sous des costumes cousus dans des véritables morceaux d’abysses. Ils me fixaient de leurs yeux intensément vides, me tendaient leurs mains froides pour que je me joigne à eux. Plus le temps passait, plus leurs festivités m’attiraient.
Qu’il serait bon de se laisser emporter sous le rythme du diable, pensais-je. Mes doigts glisseraient dans le creux de quelques reins, ma langue s’inviterait entre quelques lèvres dociles, et mes soucis, mes colères et mes cœurs s’envoleraient aussitôt. Il ne resterait que mes envies, mes pulsions et mes fantasmes dans un corps débarrassé de toutes contraintes. Sans blessures ni brûlures, juste le soir et moi.
Pourtant, quelque part, quelque chose me retenait. Ça ne voulait pas me laisser partir, ça ne voulait me laisser m’amuser. Ca s’agrippait dans le peu qu’il me restait de raison.
« N’y va pas », ça me disait.
« C’est la fête de ta défaite ».
Et dans cet entre-deux, je cherchais la noirceur du ciel idéale pour pouvoir être guidé par les étoiles.
NON, n’y va pas, ne recule pas pour mieux sauter car il faudra bien, braver ce chemin véhément et incertain ! Oui tu y plongeras, crois-moi. J’ai fait l’erreur il y a longtemps d’y succomber et c’est une folie suicidaire. Passer de reins en reins, de lèvres en lèvres et se laisser dérouter vers les tréfonds de cet esprit malsain.
Tu sais, on se réveille un matin le lit garni de nos morceaux de nature rafistolée et l’on se rend compte qu’il n’y a pas la finalité ardemment souhaitée. Alors dans un tourbillon écarlate on cherche, on scrute, on observe avec appréhension et effroi dans ces abandons successifs, le début d’un matin apaisant et pur. C’est l’ombre grandiloquente d’un égo glaçant et surdimensionné qui se montrera. Tu t’apercevras alors combien ces fuites n’auront servis à rien et combien tu seras encore plus salis et écorché, que lorsque tu succombas la première fois pour oublier les ombres de ton passé.
Alors suis-moi, j’ai ouvert la voie il y a des mois de cela. La route sera longue et rude je ne te le cache pas mais au moins ensemble nous dompterons nos ombres, celles qui nous ont faites trébucher. Les portes de mon monastère sont dégondées, elles n’ont plus de raisons d’exister. Alors entres et prends la lueur que je t’ai préparé avec bienveillance et sérénité.
Elle est incomparable comme le sont nos étoiles.
De retour dans la nuit, la voix ne me quitte plus. Elle est là, connectée dans mes neurones, alimentée par mon cœur. Elle m’hurle par murmures de ne pas franchir la muraille, de rester là où je peux voir la lumière dans les ténèbres.
« Sans astres, désastre », me répétait-elle.
« Il faut les deux pour être heureux »
Maintenant j’ai compris que je suis resté pour me rejoindre, entre le pavé rouge et les nuages bleus, le crépuscule et l’aube, la haine et l’amour. Qu’il n’existait ni mauvais ni bon côté, juste moi et moi, mes sentiments fusionnels divergents, ainsi que le dessus de ma tête comme seule couverture.
Depuis que j’ai accepté la noirceur du ciel entre les étoiles, j’ai compris que la voix n’était nulle autre que toi.
Ma lune.
Et je crois que pour la première fois depuis longtemps, je souris.
Je souris.