« Il a placé son cœur dans une ombre. »
Face à l’expression interrogative de son fils, le père s’expliqua.
« C’est cacher dans l'obscurité ce qu’on a de plus humain mais aussi de plus vulnérable. Ça nous donne la sensation d'être protégé car personne ne peut voir ni atteindre les maux qui nous font souffrir et qui nous rend si faibles.
« Gare à celui qui commet ce geste car, privé de lumière trop longtemps, le cœur finit par s'éteindre et tuer l'homme qui le porte sans le faire mourir. La Faucheuse ne s’est jamais intéressée aux vies sans âme.
«Tu reconnais un homme qui a placé son cœur dans une ombre quand il a accepté d'oublier le sourire et l'amour pour se réfugier au plus profond de lui. Ses yeux perdent alors de leur éclat et ne brillent plus, laissant place à une effrayante noirceur. Elle est aussi sombre que l'ombre collée dans sa poitrine. »
« Comment tu sais tout ça ? » demanda le jeune homme.
« Il y a quelques années, un de mes amis perdit sa femme dans un accident de voiture. Au grand étonnement de tous, il ne la pleura pas quand on l’enterra. On murmura alors dans son entourage qu’il ne l’avait jamais aimé. Pire : qu’il avait même endommagé la voiture pour provoquer l’accident. La vérité est qu’il ne voulait pas admettre la mort de sa bien-aimée. Pour lui, c’était impossible qu’elle ne soit plus dans le même monde que lui. Elle n’était tout simplement pas rentrée à la maison. Il se réconforta dans cette illusion en dissimulant son cœur dans le noir. Au cimetière, ce n’était pas sa Julie qu’on mettait dans la terre, non : c’était forcément une autre sauf que celle-ci lui ressemblait beaucoup, c’est tout. Plus personne ne le revit par la suite, pas même les plus proches de sa famille.
« Un an plus tard, non seulement on le revit en chair et en os, mais en plus de ça, avec le sourire aux lèvres. Je n’en revenais pas. Curieux, je m’étais demandé comment il avait pu retrouver autant de joie de vivre. C’est alors que je m’aperçus qu’un étrange individu, que je n’avais jamais vu jusqu’alors, apparaissait souvent à ses côtés. Un jour, j’ai voulu satisfaire ma curiosité en lui proposant un café. Il accepta.
« Il m’annonça qu’il pratiquait la médecine mais pas n’importe laquelle: celle des ombres. Sa mission était de guérir les cœurs entachés d’ombres. Il me raconta en détails tout ce que je t’ai dit. Avant de me quitter, il me laissa sa carte de visite. »
« Tu l’as toujours ? »
« Elle doit quelque part là… » il fouilla dans quelques tiroirs à proximité avant de donner à son fils un petit carton noir. Il y était écrit en lettres blanches :
Face à l’expression interrogative de son fils, le père s’expliqua.
« C’est cacher dans l'obscurité ce qu’on a de plus humain mais aussi de plus vulnérable. Ça nous donne la sensation d'être protégé car personne ne peut voir ni atteindre les maux qui nous font souffrir et qui nous rend si faibles.
« Gare à celui qui commet ce geste car, privé de lumière trop longtemps, le cœur finit par s'éteindre et tuer l'homme qui le porte sans le faire mourir. La Faucheuse ne s’est jamais intéressée aux vies sans âme.
«Tu reconnais un homme qui a placé son cœur dans une ombre quand il a accepté d'oublier le sourire et l'amour pour se réfugier au plus profond de lui. Ses yeux perdent alors de leur éclat et ne brillent plus, laissant place à une effrayante noirceur. Elle est aussi sombre que l'ombre collée dans sa poitrine. »
« Comment tu sais tout ça ? » demanda le jeune homme.
« Il y a quelques années, un de mes amis perdit sa femme dans un accident de voiture. Au grand étonnement de tous, il ne la pleura pas quand on l’enterra. On murmura alors dans son entourage qu’il ne l’avait jamais aimé. Pire : qu’il avait même endommagé la voiture pour provoquer l’accident. La vérité est qu’il ne voulait pas admettre la mort de sa bien-aimée. Pour lui, c’était impossible qu’elle ne soit plus dans le même monde que lui. Elle n’était tout simplement pas rentrée à la maison. Il se réconforta dans cette illusion en dissimulant son cœur dans le noir. Au cimetière, ce n’était pas sa Julie qu’on mettait dans la terre, non : c’était forcément une autre sauf que celle-ci lui ressemblait beaucoup, c’est tout. Plus personne ne le revit par la suite, pas même les plus proches de sa famille.
« Un an plus tard, non seulement on le revit en chair et en os, mais en plus de ça, avec le sourire aux lèvres. Je n’en revenais pas. Curieux, je m’étais demandé comment il avait pu retrouver autant de joie de vivre. C’est alors que je m’aperçus qu’un étrange individu, que je n’avais jamais vu jusqu’alors, apparaissait souvent à ses côtés. Un jour, j’ai voulu satisfaire ma curiosité en lui proposant un café. Il accepta.
« Il m’annonça qu’il pratiquait la médecine mais pas n’importe laquelle: celle des ombres. Sa mission était de guérir les cœurs entachés d’ombres. Il me raconta en détails tout ce que je t’ai dit. Avant de me quitter, il me laissa sa carte de visite. »
« Tu l’as toujours ? »
« Elle doit quelque part là… » il fouilla dans quelques tiroirs à proximité avant de donner à son fils un petit carton noir. Il y était écrit en lettres blanches :
Docteur Hamston,
Médecine par les ombres.
« Je vais aller le voir », déclara-t-il en remarquant l’adresse sur le dos de la carte. « Peut-être qu’il pourra faire quelque chose pour lui. »
Le père reprit la carte et regarda lui aussi où habitait le docteur.
« Ce n’est pas à la porte d’à côté... »
Il hésita un moment puis déclara :
« C’est d’accord, je te laisse y aller. Je serai bien venu avec toi mais le travail m’en empêche. J’achète ton billet de train demain. »
Après ces mots, le père quitta le salon. Matteo s’avança alors doucement vers la chambre où reposait son cousin. Il dormait.
« Tout va s’arranger » lui murmura-t-il. « Je te le promet ».