Une étoile brille toujours pour quelqu’un.
Combien de fois depuis son enfance avait-il entendu cette phrase ? Il ne le savait pas. Suffisamment, en tout cas, pour qu’elle lui revienne en tête à chaque nuit dégagée, comme celle qu’il pouvait regarder en ce moment même. Mais il avait beau avoir grandi, être devenu un homme, avoir la possibilité d’admirer d’un peu plus haut ces astres brûler au-dessus de lui, il n’était toujours pas assez près pour pouvoir les décrocher. Il aurait pourtant tant aimé les prendre une par une dans le creux de sa main, puis les secouer doucement, avant de leur demander dans un souffle si elles brillaient pour lui. Et, même s’il y en avait des milliers de milliards de ces petites lumières, suspendues dans la couche céleste, à questionner, c’était pour lui sans importance… Il aurait pris tout son temps pour trouver la sienne.
Avoir sa propre étoile, se disait-il, ça devait bien avoir ses avantages…
Il abandonna du regard le ciel pour mieux se pencher sur la blessure du nouveau militaire qu’on venait d’amener devant lui, allongé sur un brancard, en train d’hurler. Un soldat sans grade particulier, à en voir son uniforme classique, couleur vert kaki, que l’on trouvait sur la plupart des hommes. Il remarqua tout de suite une vilaine entaille à sa jambe droite. Sans doute un coup de lame dans la chair. Rien d’inquiétant, mais il fallait la traiter rapidement pour éviter l’infection sinon l’amputation serait assurée. Il craqua ses doigts de manière professionnelle puis approcha la paume de sa main droite à quelques centimètres de l’estafilade. Un halo bleu s’en dégagea aussitôt. Doucement, la plaie fut de plus en plus petite jusqu’à disparaitre entièrement sans laisser une seule citatrice sur la peau du militaire.
Celui-ci, qui avait cessé de s’époumoner, tout d’abord surpris des picotements et de la chaleur qu’il avait ressentis, fut encore plus étonné par ce qu’il venait de voir. Il se leva lentement et, avec grande précaution, s’appuya sur sa jambe rétablie… il ne ressentait plus de douleur ! Il la plia à plusieurs reprises pour s’en assurer… il n’avait réellement plus mal ! Il n’en croyait pas ses yeux ! Il lui semblait même, au contraire, qu’elle était devenue plus forte qu’auparavant. Comme si elle avait été « améliorée ». Pris par un soulagement immense, il s’élança vers son guérisseur pour lui serrer vivement la main.
- C’est un miracle ! s’exclama ce dernier.
(...)
Le mage se frotta les mains l’une contre l’autre pour se donner de l’énergie – bien qu’il n’avait réellement pas besoin de le faire – et les approcha, cette fois-ci, toutes les deux près de la blessure. Il ferma les yeux. On aurait pu penser qu’il se concentrait. Ce n’était pas faux, mais ce n’était pas entièrement vrai non plus. En fermant ses paupières, il pouvait, grâce à son pouvoir, se mettre dans la peau de quelqu’un. Littéralement. En effet, il pouvait mentalement se retrouver à l’intérieur du corps blessé. Mais cette intrusion pouvait provoquer temporairement de la gêne voire de la souffrance supplémentaire à celui qui en faisait l’objet. Tout dépendait de l’endroit où la magie s’opérait, ainsi que de l’intensité de cette dernière. Ici, c’était près du cœur. Il devait donc faire attention. Pour éviter tout problème supplémentaire à son « patient », il prononça quelques mots qui le firent tomber aussitôt dans un sommeil profond. L’équivalent d’une anesthésie générale.
Comme un visiteur qui n’aurait pas frappé à la porte avant d’entrer, il fit glisser son esprit dans la lésion ouverte. Il s’avança, regarda attentivement autour de lui, puis aperçut très vite les deux projectiles enfoncés dans le tissu organique. Ils étaient à quelques centimètres seulement du battant. Il en avait fallu de peu mais il fallait agir vite. Toujours au dessus du mourant, ses mains rayonnèrent dans une lumière plus bleue que tout à l’heure. Il fit remonter vers l’extérieur de la chair ouverte, avec délicatesse, le premier plomb, avant d’en faire de même avec le second. Avec sa brillante magie, il arrêta l’hémorragie interne, désinfecta par la suite le reste de la blessure, puis la ferma pour de bon. L’homme qui était, il y a peine un instant, aux portes de la mort, était désormais complètement indemne. Son torse n’avait même pas une seule égratignure. Le mage prit un air satisfait.
(...)